bloody dr harper (lizzie)

Il était aux alentours de 17h quand Philip Cadogan arriva chez lui, c'était généralement vers cette heure-ci qu'il rentrait pour travailler directement depuis son bureau une fois que tous ses rendez-vous de la journée avaient eu lieu. Comme d'habitude, il déposa les clés sur le meuble dans l'entrée et appuya son doigt sur le répondeur du téléphone, geste nonchalant, souvent sans conséquence. BIP. Vous avez un nouveau message. Philip releva la tête et tendit l'oreille pour écouter le message laissé. " Bonjour Mme Cadogan, ici le Docteur Harper... Mhh, bon, il me semble que vous étiez en déplacement et que vous rentriez aujourd'hui... Je souhaitais simplement vous confirmer que votre rendez-vous pour procéder à l'interruption de votre grossesse aura bien lieu lundi matin à 8h.... " dit la voix rauque du médecin. Elle sembla résonner dans toute la pièce et les mots qui suivirent furent inaudibles aux oreilles de Philip qui s'était arrêté à " interruption de votre grossesse lundi matin ". " C'est quoi cette connerie ? " demanda-t-il avant de se pencher sur le répondeur pour réécouter le message. Et il l'écouta trois fois. Et à chaque fois, son coeur manqua un battement en entendant les mots du médecin. Interruption. De. Grossesse. Il avait du mal à y croire. Etait-ce possible ? Lizzie lui avait-elle réellement caché ça ? Etait-elle sur le point de procéder à un IVG ? Etait-elle enceinte ? Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Depuis quand le savait-elle ? POURQUOI ? Autant de questions qu'il se posait et qui se bousculaient dans sa tête.
Comme prévu, Philip s'installa dans son bureau mais il n'y travailla pas. Il en était incapable. Il resta longuement devant son écran, à relire des anciens mails et à fixer le vide, incapable de se concentrer. Il attendait. Et enfin. La porte d'entrée claqua. Lizzie était là. Il bondit de son siège pour la rejoindre et alors qu'il descendait les escaliers, il se demanda quelle était la réaction et l'attitude à prendre ? Devait-il faire comme si de rien était et attendre de voir ? Ou devait-il lui en parler immédiatement ? Lui qui était d'un naturel calme, il avait depuis longtemps perdu le contrôle et lorsqu'il croisa le regard de son épouse il su qu'il serait incapable d'attendre. Elle le trahissait. " Hey ! Le voyage s'est bien passé ? " demanda-t-il, gardant une certaine distance avec elle. Il glissa les mains dans les poches de son pantalon et il avait effectivement du mal à cacher son agacement. " Le docteur Harper a appelé... Tu as rendez-vous lundi matin... "

Elle ferme la porte d'entrée. La voiture de Philip est garée, il est là. Déjà rentré à la maison alors qu'il n'est que dix-sept heures trente. Tant mieux. Après être partie plusieurs jours en Chine, Lizzie ressent le besoin de se blottir dans les bras de son époux. A peine une minute se passe avant qu'elle l'aperçoive. Toujours aussi beau, charismatique dans son costume. Long. dit-elle simplement en guise de réponse. Le vol avait été terrible. Pour pouvoir rentrer assez tôt, Lizzie avait volé en classe économique. Quelle idée. Entre les enfants qui braillent, les jeunes qui écoutent la musique à fond les ballons. Elle était épuisée. Elle retire ses chaussures, talons aiguilles qui lui font mal au dos. Elle en a marre de devoir être constamment présentable. De devoir mettre un tailleur et de hauts talons tous les jours.
Elle relève la tête lorsqu'elle entend le nom du Dr Harper. Laissant tomber au sol la seconde chaussure. Ah ! Il est sympa d'avoir appelé pour confirmer le rendez-vous. Elle fait l'autruche. Certainement que le Dr Harper n'a simplement que confirmé le rendez-vous. Il est tenu au secret professionnel, il n'aurait pas donné le motif du rendez-vous à son époux.
Elle reprend alors sa valise et se dirige vers Philip. Et tu oublies d'embrasser ta femme quand elle rentre maintenant ? Dit-elle simplement, tout en déposant un baiser sur la commissure des lèvres de Philip. Il est impossible que son mari sache qu'elle est enceinte. Lizzie avait pris ses précautions. Elle avait jeté le test de grossesse dans une poubelle publique, avait appelé le Dr Harper depuis le bureau. Et puis, après tout, elle a bien bien le droit de consulter son gynécologue.

Sympa ce docteur, ouais, c'était le cas de le dire. Philip haussa brièvement les sourcils et pinça les lèvres sans quitter Lizzie du regard. Sa nervosité était palpable, il avait du mal à rester en place, et plus les secondes passaient, plus l'attitude désinvolte de son épouse l'agaçait. Il détestait l'idée qu'elle puisse être entrain de lui mentir impunément, avec le plus grand naturel possible. Et même quand il avait parlé du Docteur Harper, elle n'avait pas cillé. Elle s'approcha finalement, lui reprochant de ne pas l'embrasser et il tourna la tête pour éviter son baiser. Ce geste, il ne l'avait fait que très rarement, peut-être même jamais. Refuser un baiser. C'était quelque chose. Il planta son regard dans celui de sa femme, et souffla " Lizzie... " il l'observa quelques secondes puis s'écarta pour enclencher le répondeur et le message du docteur Harper se diffusa à nouveau dans la pièce. C'était la quatrième ou cinquième fois qu'il l'entendait. Il le connaissait presque par coeur à présent. Il attendait les mots. Après la lecture du message, il croisa les bras et il ne put s'empêcher de la toiser un peu, c'était plus fort que lui, il lui en voulait. Elle lui avait menti et continuait de le faire. Il ne comprenait pas et il était en colère contre elle. " T'aurais pas oublié de me dire quelque chose ? " lui demanda-t-il, c'était une question à laquelle il n'attendait pas vraiment de réponse, il la connaissait déjà. Ce n'était même pas de l'oubli. Elle avait décidé de ne rien lui dire pour pouvoir avorter dans son dos. " Tu comptais faire ça sans même m'en parler ? Si j'avais pas entendu ce message tu m'aurais rien dit, t'aurais fait ton truc dans mon dos... Très classe, Lizzie, vraiment. "

Elle hausse un sourcil lorsqu'il refuse son baiser. Jamais il n'avait fait ça. Depuis tout ce temps qu'ils se fréquentent, qu'ils s'aiment. Il prononce son prénom. A son ton, elle sent la mauvaise nouvelle. Elle comprend qu'elle va passer un mauvais quart d'heure. Il se dirige vers le téléphone. Alors, elle ferme les yeux, parce qu'elle sait. La voix du médecin retentit dans la pièce. Elle sert les dents et les poings à chaque mot entendu. Son coeur se sert. Comme une enfant prise en flagrant délit de vol, elle a préféré se cacher. Surmonter cette situation seule, ne pas en parler.  
Question rhétorique. Bien qu'elle ait envie de répondre. Elle n'a pas oublié, elle a simplement préféré ne rien dire. Mais ça, Philip le sait. Et répondre cela ne ferait qu'empirer sa situation.
A quoi bon te le dire ? Ma décision est prise Philip. Elle n'ose pas le regarder. Elle le déçoit, elle s'en doute. Et si elle n'avait pas souhaité lui en parler, c'était bel et bien pour une bonne raison. Je.. Elle est sans voix. Parce qu'elle n'a pas envie de le blesser, ou  même de s'énerver. Elle n'a pas envie que ce début de soirée finisse en un bain de sang, façon de parler évidemment. C'est mieux comme ça. Elle se dirige alors vers le téléphone, appuyant sur le bouton qui effacera ce message. Message que jamais Philip n'aurait dû entendre. Elle reprend sa valise laissée quelques pas plus loin. Et se dirige vers la chambre, espérant clôturer ainsi la conversation. La fuite, c'est la meilleure solution. Arrivée dans la chambre, elle s'assied alors sur le lit. Elle sent l'orage, la tempête arrivée.

Sa décision était prise, c'était ce qu'elle disait. Philip haussa les sourcils, profondément surpris. Alors ça, non, il ne s'y attendait pas. Décidée à fuir la conversation et manifestement peu encline à lui expliquer sa dite décision, Lizzie effaça le message du répondeur, geste qui ajoutait un peu plus de lâcheté à son attitude. Silencieux, Philip la suivit du regard alors qu'elle s'éloignait avec sa valise pour rejoindre la chambre. Il la laissa seule un instant, poussant un long soupire, il prit le temps de faire descendre la pression, il savait qu'il était inutile de s'énerver, Lizzie ne voulait pas parler et se mettre à crier ne ferait que l'enfermer encore plus dans le silence. Ce n'était pas la solution. Il hésita un instant à quitter la maison, parce qu'il avait besoin d'air, il avait l'impression d'étouffer et l'attitude fuyarde de sa femme ne l'aidait pas à digérer la situation. Au contraire. Il avait l'impression qu'elle assumait son mensonge mais qu'elle ne souhaitait pas en parler, consciente que c'était mal, mais pas assez pour réellement vouloir en discuter. Phil passa une main sur son visage avant de prendre finalement le chemin de la chambre à coucher, où il trouva la brune assise sur le lit, patiemment, comme si elle attendait que sa sentence ne tombe. " Alors c'est tout ? " lui demanda-t-il, confus. " T'es enceinte mais t'as décidé de ne pas le garder, et je n'ai absolument pas mon mot à dire, " pas qu'il estimait avoir un quelconque contrôle sur le corps de Lizzie, bien au contraire, mais il aurait apprécié qu'elle ait la décence de le prévenir, ils auraient pu prendre la décision ensemble. " J'croyais qu'on prendrait ce genre de décision ensemble, mais apparemment pas, j'veux dire, c'est vrai t'as raison d'un côté... En quoi est-ce que ça me regarde ? C'est pas comme si je l'avais conçu à moitié, " sarcastique, c'était sa seule façon de se défendre sans réellement s'énerver, c'était sa façon à lui de l'attaquer pour lui montrer qu'elle avait frappé là où ça faisait mal. Il avait changé d'attitude et il semblait à présent plutôt détendu, il affichait un sourire insolent et arrogant, signe premier de son énervement. Mais il resterait calme, il ne s'énerverait pas. " Tes parents ne sont pas au courant j'imagine, ils ne te laisseraient pas faire... "

Elle reste là, un moment. Immobile, les yeux dans le vague. Elle ne s'imaginait pas devoir mentir un jour à Philip. En fait, elle n'en avait jamais eu envie. Seulement, elle connaissait l'opinion de Phil à ce sujet. Elle savait qu'il voudrait garder cet enfant. Alors qu'elle, Lizzie ne le désirait pas. Ce foetus, cet embryon qui pousse en elle depuis quelques semaines. Elle n'en voulait pas. Il allait freiner sa carrière, la faire devenir une autre femme. A trente-deux ans, Lizzie n'est pas prête à être mère. Pas encore, pas tout de suite. Alors, elle est restée immobile. Quelques minutes, le temps que son mari la rejoigne dans leur chambre. Et elle n'ose pas répondre à son pic. Elle ne veut pas s'énerver. Surtout qu'elle sait, Lizzie, qu'elle risque de démarrer au quart de tour. Déjà habituellement. Mais avec les hormones, c'était encore pire. Les nausées matinales, les crises de larmes. Lizzie n'en pouvait déjà plus. Et puis, vint la remarque sur ses parents. Elle lève les yeux vers Philip, ose enfin le regarder. Bien sûr que non. dit-elle calmement. Presque triste en fait. Ses parents ? Ils pourraient la déshériter de savoir que Lizzie souhaitait tuer son enfant. C'est ainsi chez les catholiques. Personne n'est au courant. dit-elle. Et personne ne devait l'être. ajouta-t-elle. Pour elle, c'est mieux ainsi. ça aurait dû l'être. Ecoutes. Lizzie se lève, doucement. Je n'ai pas envie qu'on se dispute. Mais je ne veux pas de cet enfant. Ce n'est pas le moment. Je fais des déplacements de plus en plus souvent, qui sont de plus en plus longs. Je n'ai pas le temps d'élever un gamin. Et toi non plus. dit-elle doucement. Elle lui fait face, a posé ses mains sur les joues de son époux, son regard plongé dans le sien.

Non, évidemment, les parents de Lizzie n'étaient pas au courant, ils ne la laisseraient pas faire, ils étaient contre ce genre de pratiques et probablement n'apprécieraient-ils pas d'apprendre que leur fille avait pu y avoir recours. Cela dit, elle n'avait aucun soucis à se faire de ce côté là, Phil n'allait pas la dénoncer. Ce n'était pas son genre, ce n'était pas ce qu'il faisait. Lizzie se leva finalement du lit pour s'approcher de lui et elle se confia un peu... Philip l'écouta mais il était toujours contrarié, il y avait le fait qu'elle lui avait menti, le fait qu'elle était là devant lui et qu'elle était enceinte et que bientôt elle ne le serait plus parce qu'elle ne voulait pas garder cet enfant, il y avait le fait que d'une certaine façon elle avait raison, jusqu'à présent ils n'avaient pas réellement parler du fait d'avoir des enfants, parce qu'ils travaillaient beaucoup tous les deux, mais maintenant qu'il était devant le fait accompli et qu'il y pensait, il se disait que ça pourrait être une bonne chose. Pourquoi pas, après tout ? C'était la suite logique de leur relation. Doucement, il lui prit les mains et déposa un baiser sur le dos de l'une d'entre elle avant d'avoir un nouveau mouvement de recul. C'était étrange, parce que d'une certaine façon, il avait envie d'être prés d'elle, et de lui dire que ça allait aller, que c'était ok, mais de l'autre, il lui en voulait et il avait besoin d'un peu de temps pour digérer la nouvelle et se faire à la décision qu'elle avait prise sans lui. Et il détestait ça, se sentir mis de côté et impuissant. " Je t'aurais jamais forcé à le garder, Liz, après tout ce temps t'aurais du le savoir... " il l'observa un instant et soupira, ils avaient peut-être évité de se disputer mais la situation n'était pas arrangée, au contraire. " Bon, j'ai du boulot à terminer, de toute façon t'as pas besoin de moi pour faire tes trucs, apparemment, " il s'écarta pour quitter la chambre et rejoindre son bureau. Rancunier, lui ? Si peu...

Je ne voulais simplement pas te faire du mal à te dire que j'étais enceinte alors que je savais pertinemment que je ne le garderai pas. dit-elle avant qu'il s'en aille. Elle haussa le ton, comme pour être certaine qu'il l'entende. Puis il n'était plus là, disparu.
Elle se réinstalle sur le lit. Prend son visage entre ses mains, elle sent les larmes montées. Mais tente de se retenir. Lizzie, avec son caractère de cochon, craquait. A cause des hormones, certainement. Et elle se laisse tomber sur le lit. Elle comprend, que Phil a besoin d'être seul. Il faut qu'il digère la nouvelle. Apprendre une grossesse et un avortement en l'espace de dix secondes. C'est compréhensible qu'il soit énervé. ça lui passera.
[...] Elle ouvre délicatement la porte du bureau, sans même avoir frappé. Elle n'a pas vu Philip depuis quelques heures. Le repas préparé, elle s'est donnée du courage afin de le retrouver dans sa pièce. La sienne, son isoloir. Même s'ils ont passé du temps ensemble, à cet endroit. De bons moments. Des instants où Lizzie venait détendre son mari lorsqu'il travaillait trop dur, trop longtemps. Tu viens manger ? Elle le voit, là. Elle ne sait pas s'il travaille vraiment, ou s'il réfléchit. Peut-être les deux. Elle s'avance vers lui, vient s'installer sur ses genoux, à califourchon. Puis, elle embrasse son front. Pardonnes-moi. dit-elle dans un murmure. Personne n'aurait du le savoir. Personne n'aurait du souffrir ajoute-t-elle entre deux baisers.

Assis devant son ordinateur, Philip réussit enfin à se concentrer un peu, c'était étrange mais il y arrivait, il se forçait à penser à autre chose et puis son esprit s'occupait ailleurs. Il avait des mails à envoyer, des comptes à faire, des rendez-vous à préparer. Le temps passa et il le laissa couler sans trop se soucier de l'heure qu'il pouvait être, et pendant tout ce temps il ne quitta pas une seule fois son bureau, restant enfermé entre les quatre murs, installé confortablement dans son fauteuil en cuire.
La porte s'ouvrit finalement, et la voix de Lizzie pénétra à l'intérieur avant qu'elle n'entre elle même dans la pièce et s'approche de lui. Elle souhaitait savoir s'il voulait manger, et Phil jeta un coup d'oeil dans le coin de son écran pour s'informer de l'heure. Il commençait à se faire tard. Il releva les yeux vers elle alors qu'elle s'installait sur ses genoux, il n'était pas totalement dupe, elle venait à lui avec douceur, toute mielleuse et demandant à se faire pardonner. Philip leva les yeux au ciel mais elle parvint à lui arracher un sourire alors qu'il remontait doucement ses mains sur ses cuisses. " Ca va, Liz, c'est bon, " souffla-t-il à son oreille. Certes, la pilule n'était pas encore totalement digérée, mais il ne comptait pas bouder dans son coin pendant une semaine. " T'es sûre de toi, alors ? " demanda-t-il, mais c'était plus pour elle que pour lui, il ne voulait pas qu'elle regrette ou qu'elle se sente mal, il voulait qu'elle soit sûre d'elle si c'était effectivement la décision qu'elle souhaitait prendre. " On en a jamais vraiment discuté, en fait... C'est assez perturbant, " dit-il et sans trop s'en rendre compte ou sans trop même le vouloir, il baisse les yeux sur le ventre de Lizzie. " Tu repars prochainement ? "

Être mère, Lizzie ne se l'était jamais imaginé. Parce qu'elle sait qu'il est impossible pour elle de prendre le temps de l'être. A quoi bon faire des enfants si nous ne les voyons pas grandir ? C'était sa théorie. Parce que, Liz, elle l'avait vécu, avec ses frères. Être élevée par une gouvernante, elle en avait plus ou moins souffert lors de son enfance. Ses parents étaient aimants, présents autant qu'ils le pouvaient. Mais ce n'était pas suffisant, pas pour Lizzie en tout cas. L'aînée qui s'efforçait de sourire et de rassurer ses cadets. Nous ne pouvons pas dire qu'elle était leur seconde mère, mais Lizzie tenait son rôle de grande soeur à coeur et elle avait plus ou moins aidé à l'éducation de ses frères. Je ne serai pas une bonne mère. dit-elle naturellement. Non pas que ses parents aient été de mauvais géniteurs. Mais elle, elle ne se sentait pas capable. Elle s'imaginait mal associer travail, enfant et époux. Ces trois critères ne pouvaient cohabiter. Et elle avait fait un choix. Parce que toi tu .. Elle s'arrête un instant. Sûrement parce qu'elle a peur de poser cette question, ou plutôt d'en entendre la réponse. Tu voudrais de cet enfant ? continue-t-elle eansuite. De toute façon, elle avait commencé sa phrase, elle devait la finir. Je dois repartir mardi. dit-elle hésitante, enfin, tout dépend de mon état de santé.

Même s'il ne s'était jamais vraiment posé sérieusement la question, pour lui, il était évident qu'un jour ou l'autre il aurait des enfants. Au moins un, mais il se voyait en avoir plusieurs. Touché par le syndrome du fils unique, il s'imaginait bien le père d'une tripotée de bambins, jamais sujet à l'ennui comme lui avait souvent pu l'être, privé du plaisir d'avoir un frère ou une soeur. Mais aujourd'hui, et maintenant que la question se posait réellement, il regrettait presque de n'en avoir jamais vraiment parlé avec Lizzie. Ils s'étaient mariés, comme une évidence, mais la question d'avoir des enfants ensemble ne s'était jamais réellement posé, et si pour lui la réponse était évidente, il n'avait pas pensé au fait que pour Lizzie les choses soient peut-être différentes. A présent qu'il était confronté aux faits, il s'interrogeait et il se demandait sérieusement s'il était possible qu'ils trouvassent une solution.
Lizzie dit qu'elle ne ferait pas une bonne mère et Philip haussa les sourcils, légèrement surpris de l'entendre dire quelque chose pareil. Dans l'amour qu'il lui portait, il la voyait comme l'épouse idéale, et sans aucun doute comme la mère de ses enfants. Une mère aimante, peut-être pas parfaite, mais qui l'était réellement ? Et pour lui, il ne faisait aucun doute que Lizzie pourrait être une bonne mère. Parce que pour lui, ce moment était cristallisé dans un fantasme qui lui paraissait possible et réalisable: celui de construire une famille avec elle. Demeurant silencieux, Lizzie ne tarda pas à reprendre la parole, lui posant une question, la question. Elle semblait hésitante, et c'était assez rare venant d'elle. Phil releva les yeux pour croiser son regard après quelques secondes supplémentaires de silence, se décida à dire " Ben... Je crois que si t'étais venue m'annoncer que t'étais enceinte, je l'aurais plutôt bien pris.. Alors je suppose que oui... " et oui, il en aurait probablement voulu. " On en a jamais vraiment parlé, mais pour moi c'était... logique... qu'on aurait des enfants un jour, et puis... J'crois que moi j'aimerais bien en avoir... " aussi carriériste qu'il pouvait l'être, il avait toujours été attaché à la notion de famille, et c'était peut-être sexiste ou arriériste, mais il lui paraissait logique que la femme qu'il épouserait serait la mère de ses enfants. Mais il n'avait jamais pensé au fait que Lizzie, malgré son caractère, puisse être récalcitrante à ce sujet là. " Peu importe... " souffla-t-il, résigné.

Il est vrai que jamais Lizzie ne s'était posée de questions à ce sujet. Simplement parce que la réponse lui était évidente. Pas d'enfants, pas maintenant. Et égoïste, elle n'avait jamais osé demander à Philip ce qu'il en pensait. Elle imaginait que si jamais ils n'avaient parlé de faire un enfant, c'était seulement parce qu'ils étaient sur la même longueur d'onde. Elle ne s'imaginait pas que Philip voulait d'un bambin, bien au contraire.
Et puis, malgré la force de ses croyances, Lizzie prenait ses précautions. Et, la Genèse 3;6 de la Bible ne donne pas vraiment envie : "Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi." Mais là n'était pas la question. Certes, Lizzie était catholique pratique. Certes, plusieurs de ses actions vont à l'encontre de sa religion. Comme avoir offert son corps à Philip, à plusieurs reprises, avant leur mariage. Comme penser à l'avortement, qui est clairement un péché. Mais elle irait se confesser, Dieu lui pardonnera sa décision. Il comprendra. Pas maintenant.. Elle se relève, soupire. Elle comprend que Phil ne peut avaler la pilule aussi facilement. Mais tout de même, un gamin. Une chiard qui braille dans toute la maison pendant plus de dix-huit ans ? Vraiment ? Un môme qui va casser leur tranquillité, leur vie de couple si épanouie ? Hors de question. Vraiment, tu nous vois avec un gamin ? Elle est debout devant lui, les mains posées sur ses hanches. Et puis, ce n'est qu'un embryon. ajoute-t-elle en levant les yeux au ciel.

Pas maintenant, dit-elle avant de se relever. Philip la suivit des yeux et il l'écouta, patiemment. Il n'étais pas énervé, et à ce moment là, il ne lui en voulait plus vraiment. D'une certaine façon il comprenait que c'était dur pour elle, cette grossesse était arrivée par hasard sans qu'ils ne l'aient voulu, mais il aimait à y voir le signe d'un tournant dans leur vie, le moment de peut-être changer de cap. Sa carrière à lui était paisible et déjà toute tracée, il était à la tête de son agence immobilière, tout se passait bien, et d'ici quelques années il récupérerait l'empire paternel et tâcherait de continuer à le faire fructifier. Il travaillait beaucoup mais il ne voyait pas l'arrivée d'un enfant comme une réel contrainte, au contraire. Cependant, il concevait que pour Lizzie les choses soient différentes, elle était une femme et c'était elle qui pendant neuf mois allait devoir le porter, de plus, une mère avait toujours un devoir intrinsèque vis à vis de son enfant, et si elle n'était pas prête il n'insisterait pas. Il ne comptait pas la forcer à faire quelque chose dont elle n'avait pas envie, surtout qu'il ne s'agissait pas simplement de choisir le programme du samedi soir. C'était le programme de leurs vingt années à venir qui était en jeu. Minimum.
Restant installé dans son fauteuil, Philip desserra sa cravate et ouvrit le premier bouton de sa chemise. Ce simple geste le détendit un peu plus, il respirait mieux et il lui sembla que la situation n'était peut-être pas si insurmontable que ça. " J'ai compris, Liz, pas la peine de te déculpabiliser en me disant que ce n'est qu'un embryon, j'suis de ton côté, j'voulais juste que tu saches que pour moi les choses paraissaient pas aussi évidentes que ça, mais... Réfléchis y un peu, peut-être... " il se frotta le front avant de se lever à son tour, " Le monde n'est pas binaire, ce n'est pas noir ou blanc, oui ou non... J'sais pas... Pour toi c'est non, parce que... Tel qu'on vit maintenant c'est compliqué, mais... Les choses peuvent changer, " sous-entendu qu'ils ne se voyaient pas travailler 70 heures semaine jusqu'à ses 99 ans, et qu'il espérait profiter de sa vie autrement : en fondant une famille et en profitant de son mariage ainsi que de ses potentiels futurs enfants. Il retira complètement sa cravate et la laissa sur le bureau avant de tendre la main à son épouse, " On descend manger ? "

Et certainement que Lizzie, à ce moment précis, cherche à énerver Philip. En nommant leur enfant ainsi, peut-être souhaite-t-elle faire sortir le lion de sa cage. Pourquoi? Elle ne le sait pas. Mais elle se sent frustrée, presque déçue que Phil n'ait pas envie de se battre pour qu'elle garde cet enfant. Psychologie inversée vous avez dit ? Il est calme, là, devant elle. Presque décontracté. Ils ne se disputent pas, ne font que parler. Et même si Lizzie ne souhaite pas de confrontation houleuse, peut-être aurait-elle souhaiter voir son époux se révolter. Lunatique, pas du tout.
Elle, elle ne souhaite pas changer de vie. Elle est bien ainsi, Lizzie. Seule avec son époux, seule avec son travail. Elle ne s'imagine pas être à trois, voire plus encore. Elle est dans ce cocon, cette bulle qu'ils se sont créés il y a maintenant cinq ans. Et elle n'a pas envie d'en sortir. Elle veut conserver sa situation actuelle, elle veut être égoïste, simplement. Alors, pourquoi être si déçue que Phil ne réagisse pas plus excessivement ? Les hormones, peut-être, encore une fois. Certainement que cet embryon tente de donner son avis de vie ou de mort en faisant ressentir à Lizzie une once de culpabilité.
Je n'ai pas faim. dit-elle alors. Elle saisit la main de Philip, s'approche doucement de lui et dépose un baiser sur ses lèvres. Le repas est dans le four, la table est mise. Je vais me coucher. dit-elle avant de déposer à nouveau ses lèvres sur celles de son mari.

Alors là, vraiment, il ne comprenait pas. Il avait réagi raisonnablement, comme c'était souvent le cas, décidé à prendre sur lui et à mettre ses états d'âme de côté pour le bien être de son épouse. Il lui avait fait savoir qu'il désirait avoir des enfants, mais que si elle n'était pas prête alors ce n'était pas grave, ce ne serait pas pour maintenant. Il ne se voyait pas lui imposer un choix, et quand même, Lizzie réussissait à mal le prendre. Alors qu'il allait dans son sens, elle se renfermait et décidait d'aller se coucher pour s'isoler à son tour dans une bulle. Il la connaissait trop bien et il savait que malgré son attitude plutôt désinvolte et le fait qu'elle n'avait pas l'air de lui en vouloir réellement, elle cachait quelque chose de plus profond derrière ses démonstrations de tendresse et ses baisers. Cette fois-ci, il ne détourna pas le visage, pressant même ses lèvres contre celle de sa femme avant de l'entourer de ses bras pour la tirer contre lui. Phil déposa finalement un baiser sur son front et la garda contre lui un instant. " Je déteste quand tu t'en vas, " souffla-t-il doucement à son oreille. C'était devenu une habitude, ils se croisaient et ne passaient pas beaucoup de temps ensemble, elle voyageait beaucoup et lui restait souvent tard à travailler quand il n'était pas également en déplacement. Il soupira longuement et, desserrant son étreinte, il vint prendre son visage entre ses mains. " Tu serais une mère super... Le genre sexy qui rend toutes les autres mères jalouses pendant les réunions à l'école, " lui dit-il, un sourire se dessinant petit à petit sur son visage. Et il le pensait. D'ailleurs il s'imaginait très bien dire aux autres pères " Hey, vous avez vu ? C'est ma femme. Elle est canon, hein ? Et elle n'utilise même pas de botox. " Il déposa un baiser sur ses lèvres puis à nouveau sur son front avant de l'attirer à nouveau contre lui, la serrant fort entre ses bras.

La sensation du corps de Philip contre le sien lui fait du bien. Comme un étreinte rassurante. Elle ferme un instant les yeux humectant l'odeur de son époux. Elle se détend l'espace d'un instant. Juste un moment. Elle même n'arrive pas à se comprendre. Toutes ces petites voix dans sa tête. L'une d'entre elle refuse cet enfant. La seconde se dit pourquoi pas. Une troisième exige d'accepter d'avoir ce bambin. Et d'autres hurlent de ne pas voir Philip se battre un peu plus. Ce genre de voix qui peuvent rendre fou un individu. Ses pensées sont chamboulées, Lizzie n'arrive même pas à réfléchir. Un instant, elle sourit à la remarque de Philip. Oui, elle serait sexy comme mère. Si ces prochains mois ne déforment pas définitivement son corps. Oui, certainement que plusieurs femmes seraient jalouses d'elle. Pour l'instant en tout cas. Pour quelques années. Et puis, elle se fiche bien d'être une mère canon. Liz voudrait simplement être une bonne mère. Et ça, elle n'en est pas convaincue. Quoi que Philip pourrait lui dire. Tu n'aimes pas que je m'absente, et cet enfant apprécierait encore moins. dit-elle un s'écartant de quelques centimètres. Laissant à présent un espace entre leur deux corps. Il ne serait pas heureux avec moi. ajoute-t-elle. Puis, elle vient se rapprocher de Philip. L'embrasse à nouveau, un baiser doux et furtif. Je pense qu'il vaut mieux que cette discussion se finisse. Peut-être parce qu'il est enfin temps que ses pensées se calment. Que Lizzie revienne à elle-même. Qu'elle ne doute plus en voyant Philip ainsi. Calme, mais déçu. Avoir un enfant aurait donc pu le réjouir. Elle n'y avait jamais pensé. Et pourtant, malgré sa probable colère, il reste le même. Doux, attentif et affectueux. Et ça, Lizzie ne peut le supporter. Certainement parce que cette attitude se traduit peut-être par une déception.

Elle se retrouve sans voix. Alors qu'elle aurait dû s'y attendre. Après avoir poussé Phil à bout, après s'être comportée ainsi. Ce n'est pas ce qu'elle voulait après tout ? Qu'il s'énerve. Peut-être un peu. Alors, elle devrait certainement être satisfaite à présent. Le voir réagir. Et pourtant. Lizzie ne sera donc jamais contente, si on peut dire ainsi. Non, elle voit son mari, la main sur la porte. Un moment qui allait certainement briser une partie de leur couple, de leur union. Elle est restée calme, mais ses mots se faisaient blessants. Mais, c'est ce qu'elle voulait. Sûrement. C'est elle qui venait de provoquer tout cela, elle seule.
Je t'ai rien demandé Phil ! Elle élève la voix. Comme pour le retenir de partir. C'est peut-être ce qu'elle cherche, le conflit. Elle en a peut-être besoin afin d'y voir plus clair. Ou peut-être est-elle simplement masochiste. C'est ma merde ! ajoute-t-elle alors. Parce que oui, c'est sûrement elle qui avait oublié de prendre sa pilule à un moment donné. Elle qui, peut-être, alors qu'elle était partie à l'autre bout du pays avait trop penser à son travail plutôt qu'à sa contraception. Elle qui avait déconné, sa merde. Tu n'aurais jamais dû le savoir ! Et elle continue à crier pour s'exprimer. Comme si, soudainement, Phil était devenu sourd. Merde ! Sa voix se fait toujours bruyante. Mais là, c'est un râle qui s'échappe de ses lèvres. Lizzie se déplace, juste quelques pas, et s'assied sur l'une des deux chaises installées en face du bureau de son époux. Comme des aiguilles dans son bas ventre, comme des règles douloureuses. Elle pose la main sur son ventre et lève le regard vers Phil. Ses yeux rouges, encore emplis de sa colère, fixent son mari. J'ai mal. dit-elle.

Ne pas faire ça dans son dos. Elle aurait préféré lui dire, être franche. Si elle aurait été certaine de ne pas le faire souffrir, ou qu'il n'y ait pas tout ce bordel qui les entoure à présent. Elle lui aurait dit. Mais elle a agis autrement. Certainement pas de la meilleure façon, peut-être de la pire. Mais c'était fait à présent, et Lizzie ne pouvait plus reculer. Il est trop tard. Elle doit assumer les conséquences de ses actes. Même si, au fond, elle ne regrette pas. Elle aurait voulu le protéger, Phil.
Elle peut être très théâtrale Liz. Parfois aller dans l'exagération, comme une actrice le ferait. Son comportement il y a quelques secondes peut le prouver. Mais à cet instant, elle n'est pas dans l'excès. La peau pâle, elle sent des sueurs froides lui parcourir le corps. Comme si on me poignardait le ventre avec un millier d'aiguilles. dit-elle en réponse à l'une des réponses de son époux. Parce qu'elle a simplement déjà oublié les deux premières. Aides moi à aller jusqu'à la salle de bain, s'il te plaît. dit-elle en s'appuyant sur l'accoudoir afin de s'aider à se lever. Il faut qu'elle vérifie. Qu'elle sache. Alors, appuyée sur Phil, elle avance de quelques pas pour rejoindre la salle de bain. Elle s'assied sur le bord de la baignoire. Liz ne demande même pas à Phil de sortir un instant, juste pour qu'elle vérifie. Elle se contente de descendre son pantalon, son sous-vêtement aussi. Et de constater que quelques tâches de sang s'y trouve. Enfin, elle lève les yeux vers Philip, étonnamment inquiète.

Philip aida Lizzie à aller jusqu'à la salle de bain, elle venait de l'anesthésier en quelques secondes et les dernières heures avaient été un tel ascenseur émotionnel qu'il se retrouvait à présent comme un con, impuissant et perdu, silencieux et stoïque. La panique qui animait Lizzie de plus en plus avait l'effet contraire sur Phil qui avait de plus en plus l'impression qu'on lui lobotomisait le cerveau à coup de pioche. Lorsqu'elle se déshabilla, il l'observa sans réaction apparente, et puis le sang. Liz releva la tête vers lui et il croisa son regard empreint d'inquiétude et dans ses yeux il savait que c'était à lui de faire quelque chose maintenant. " Je t'emmène à l'hôpital, " dit-il avec plus de conviction qu'il ne l'aurait pensé. Philip reprenait petit à petit de sa contenance et il aida Lizzie à descendre les escaliers avant d'attraper ses clés. Ils sortirent de la maison et il lui ouvrit la portière de la voiture côté passager afin qu'elle puisse s'y installer, puis il prit place à ses côtés et démarra la sublime. " Ca va aller, j'espère qu'ils pourront te prendre rapidement... " il fixait la route, incapable de la regarder elle parce que ses mots résonnaient encore dans son esprit, mais il devait les mettre de côté, au moins un minimum, parce qu'elle avait besoin de lui à cet instant précis. Alors il allait faire ce qu'il devait faire. Ce qu'on attendait de lui. Son pied jouait avec l'accélérateur et il s'impatientait à chaque feu rouge sur leur chemin. Il gara finalement la voiture sur le parking des urgences et ils purent rejoindre l'enceinte de l'hôpital où une infirmière arriva directement vers eux pour prendre connaissance de la raison de leur venue. Philip laissa Lizzie prendre les choses en main, s'effaçant, la laissant gérer la situation, ou du moins il la laissait s'expliquer parce qu'il n'avait aucune idée de quoi dire, c'était elle qui avait mal...

Seulement quelques minutes les séparent de l'hôpital. Et autant dire que Phil n'avait pas négligé la pédale d'accélérateur. Les douleurs continuaient, incessantes. Ils ne s'étaient presque pas adressés la parole pendant le voyage. Lizzie n'avait même pas répondu à Phil lorsqu'il avait essayé de la rassurer. Elle était trop perdue dans ses pensées. A se demander si elle faisait une fausse couche, si elle avait provoqué cela. Elle et son caractère de cochon, elle est sa stupide idée à provoquer une dispute entre elle et Phil. Alors, elle avait attendu patiemment. Regardant le paysage qui défilait rapidement devant ses yeux. Et puis, ils étaient arrivés.
Une infirmière vint directement à leur rencontre. Et puis, elle s'explique. Je suis enceinte de huit semaines. dit-elle accrochée à au bras de Phil. Pour la première fois, elle annonce à haute voix sa grossesse. Et je .. je saigne. J'ai des douleurs dans le ventre, comme si j'avais mes menstruations. Ajoute-t-elle pour donner plus de détails à l'infirmière. Je suis suivie par le Dr Harper. J'ai .. Je .. Elle hésite. Elle se demande, est-ce que l'infirmière allait la prendre en charge rapidement si elle avoue avoir un rendez-vous pour procéder à un avortement ? J'ai un rendez-vous prévu avec lui lundi. Pour.. Un avortement. Mais.. Elle détourne son regard vers Philip. Sa phrase encore en suspend. Ne vous inquiétez pas, nous allons vous prendre en charge tout de suite. Suivez-moi. Alors, elle prend la main de Phil. Comme pour se rassurer. Elle a besoin de lui, à ce moment. Sa seconde main vient se loger sur son ventre. Installez-vous. Je vais appeler l'obstétricien de garde. Alors, Lizzie s'allonge sur la table d'examen puis patiente. Quel magnifique mot. Devoir être patient, et devenir soi-même hospitalisé.
Quelques minutes se passent, peut-être dix avant que le médecin n'arrive. Je suis le Dr Simons. Je vais vous faire une échographie, un examen vaginal et l'infirmière vous fera ensuite une prise de sang de contrôle. Mais ne vous inquiétez pas. dit-il en allumant l'échographe. Lizzie relève alors son pull puis descend légèrement son pantalon et son sous-vêtement. Le Dr Simons applique le gel, et cherche à l'aide de l'instrument. Le regard rivé sur l'écran, elle entend. Un battement, puis deux, puis trois. Alors, elle détourne ses yeux pour regarder Phil et lui prend instinctivement la main.

La scène se passait sous ses yeux à une vitesse trop rapide à son goût, il observait le dialogue entre Liz et l'infirmière et sentait la main de Liz serrer son bras. Philip restait là, soutien silencieux de son épouse, impuissant. Lorsqu'elle levait vers lui son regard inquiet, il lui adressait un léger sourire, se voulant réconfortant, ne sachant quoi faire d'autre à cet instant précis. Ils furent dirigés rapidement vers une salle d'examen, il marchait dans les pas de Lizzie, serrant doucement ses doigts entre les siens, et puis le médecin arriva. Philip le salua brièvement et Liz s'installa pour qu'il puisse lui faire l'échographie. Le docteur déposa un gel sur le ventre de la jeune femme et Phil leva les yeux vers l'écran. Il ne savait pas vraiment ce qu'il y voyait, c'était la première fois qu'il expérimentait quelque chose de ce genre, évidemment, mais le bruit de battements de coeur le firent frémirent. C'était donc réel. Quelque chose vivait d'ors et déjà dans le ventre de Liz et quand il sentit la main de sa femme sur la sienne, il baissa les yeux pour la regarder. Ca le terrifiait et en même temps, il ressentait un sentiment de soulagement et une certaine forme de joie. Lizzie était enceinte, et malgré leur dispute, il y avait peut-être quelque chose de positif là dedans. " C'est son coeur, qu'on entend ? " demanda-t-il bêtement, comme pour s'assurer qu'il n'était pas entrain de mal interpréter ce qui se passait sous ses yeux. Le médecin esquissa un sourire avant de hocher la tête positivement, laissant le couple apprécié cet instant...  Philip prit une longue inspiration, jeta un nouveau regard à l'écran avant de baisser les yeux vers Liz. Il se pencha et déposa un baiser sur son front. Réellement, il n'avait aucune idée de quoi dire ou quoi faire. " ...J'crois qu'on devrait l'avoir, " souffla-t-il, plus pour lui que réellement pour elle... Mais il se sentait mal à l'aise de parler de ça devant le médecin, plus encore en se rappelant que Lizzie justement, n'en voulait pas et qu'elle avait rendez-vous pour un avortement. Mais peut-être que d'entendre le coeur du bébé allait la faire changer d'avis. " Tu l'entends ? C'est dingue... " il se massa le front un instant et un sourire s'afficha sur son visage. " Liz, on va avoir un enfant ! "

Ce bruit, ce coeur, celui de leur enfant. Lizzie détache son regard de Phil, ses yeux reviennent à l'écran. Elle n'y voit rien, n'y comprend rien. Juste quelques tâches sombres, d'autres grises, certaines sont blanches. Elle n'est pas capable de déchiffrer les images qui défilent devant ses yeux. Elle entend, simplement. Le médecin acquiesce lorsque Philip demande s'il s'agit des battements cardiaques du foetus. Oui, Liz ne peut se résigner à l'appeler ainsi. Son coeur, à elle, bat la chamade. Un mélange de satisfaction et de bonheur. Mais elle doute encore, tout de même. Partagée entre le coeur et la raison. Entre sa première décision, et la bonheur que lui procure ce rythme. Un rythme effréné, rapide. Et puis, elle imagine. Ces quarante-deux semaines restantes. Son ventre qui s'arrondit. L'accouchement. Le bonheur de tenir leur bébé dans les mains. Et ensuite, l'absence. Elle revient à la réalité. Elle ne sera pas capable de gérer, de réussir à être présente pour cet enfant. Son père ne le permettrait sûrement pas. Elle n'en sait rien en fait. Et bien trop perdue, elle ne répond même pas à Phil. L'impolie. Qu'est-ce qu'il se passe alors ? Elle veut juste savoir. Pourquoi son corps saigne, pourquoi elle a mal. Si elle perd le bébé, le problème serait résolu, non ? Ou peut-être que Phil la jugerait coupable de ça. Et si tout est en ordre, elle devra certainement reprendre sa conversation avec Phil. Même si elle souhaitait, avant tout cela, l'achever. Je vais procéder à un examen vaginal. Mais je pense que vous n'avez pas à vous inquiétez. Lizzie se lève, puis passe dans la pièce à côté, surveillant que Philip la suive. Elle s'allonge sur la table d'examen après s'être intégralement déshabillée le bas du corps. Les jambes sur les reposes-pieds, elle se laisse faire. Après avoir mis ses gants, le médecin commence à l’ausculter. C'est bien ce qu'il me semblait. Aucune inquiétude. Vous aurez une prise de sang à faire demain matin, à jeun. Mais ce n'est qu'un contrôle de routine. Le médecin s'éloigne, retire ses gants et continue. Une femme sur dix peut avoir ses menstruations pendant les premiers mois de grossesse. Il n'y a pas vraiment d'explications à ça, mais c'est votre cas. Lizzie descend de la table d'examen et remet ses vêtements. Très bien, merci Docteur. Elle est plus détendue. Même si elle se doute que l'orage va revenir. Leur conversation n'était pas finie, et l'est encore moins à présent. Tenez, voilà la prescription pour le bilan sanguin. dit-il en lui tendant une feuille. Et détendez-vous, surtout. ajoute-t-il. Merci Monsieur.
Ils sortent du bureau. Lizzie est silencieuse. Elle n'ose pas parler.

Aucune réponse, pas même une réaction, Lizzie l'ignora et se concentré sur le médecin, laissant Philip dans son enthousiasme. Seul. Lorsqu'elle passa de l'autre côté de la pièce, il ne la suivit pas, il laissa le médecin faire son boulot et occupa ces quelques minutes à vérifier son téléphone, espérant y voir quelque chose qui pourrait occuper son esprit. Philip écouta vaguement les propos du médecin, perdu à nouveau, mais surtout blessé par l'indifférence de Lizzie à son égard, et à nouveau, il se remettait à lui en vouloir. Il remercia le médecin, le salua d'une poignée de main et puis ils quittèrent la salle d'examen. Liz était silencieuse, Philip aussi, et il se demandait ce que le reste de la soirée leur réserverait. Il avait envie d'aller se coucher, de dormir et d'oublier, de passer à autre chose, et en même temps... Il se demandait s'il n'allait pas la déposer et aller faire un tour, parce qu'il ressentait le besoin soudain de s'éloigner d'elle. Il ne la reconnaissait pas dans ce comportement hermétique et indifférent qu'elle avait à son égard et il fallait qu'il prenne l'air pour se détendre. D'une certaine façon, il se disait qu'il n'aurait pas le choix que d'occuper sa nuit d'une façon ou d'une autre. Il ne parviendrait sans doute pas à dormir ce soir. A moins d'avaler un somnifère, peut-être. Ils sortirent de l'hôpital pour rejoindre le parking et la belle voiture toujours garée. Philip s'installa sur le siège conducteur et observa un instant le pare-brise avant de se reprendre. Il soupira légèrement et au lieu de démarrer la voiture, il tourna le visage vers son épouse. " J'vais te déposer, et j'crois que je vais aller faire un tour après... " lui dit-il, décidant de garder une certaine honnêteté envers elle. " Tu me tues, franchement... " et la voiture démarra tranquillement, reprenant le chemin inverse qui allait les conduire chez eux.