(philip) “l’avortement, je ne suis ni pour ni contre ; je suis pour qu’on laisse le choix à l’enfant...”

Trois jours qu'elle n'était pas rentrée chez eux. Un voyage? Un déplacement. Rien de tout cela. Lizzie avait juste eu besoin d'air, de s'éloigner un moment. Elle avait eu besoin d'un moment de réflexion. Mettre ses pensées dans un coin de sa tête, les oublier. Redevenir elle-même. Pouvoir penser seule, sans personne qui allait interférer à ses choix. Nous sommes lundi, le fameux lundi. Celui que Liz attendait avec impatience, il y a encore trois jours. Ce lundi qui allait faire en sorte, pour elle, que sa vie redevienne normale. Et pourtant, ce matin, elle ne s'est pas levée. Elle est restée emmitouflée dans sa couette. Éveillée, certes, mais elle n'a pas réussi à mettre un pied en dehors de son lit. Jusqu'à ce que son rendez-vous soit passé, jusqu'à ce qu'elle fut été certaine qu'il était trop tard. Elle a les idées claires, à présent. Elle sait ce qu'elle veut. Bien qu'un peut-être encore douteuse de son choix. Elle a peur, seulement effrayée de ne pas devenir une bonne mère. Elle ne sait pas si elle arrivera à se détacher de son travail pour tenir son rôle. Elle doute du fait qu'elle puisse être épouse, mère et femme d'affaires. Mais, elle veut essayer. Elle veut aussi faire plaisir à Phil. Elle l'a vu, dans ses yeux, qu'il était heureux en entendant le coeur de leur enfant battre. Elle a lu la joie sur son visage, son envie d'avoir ce bambin. Alors oui, il lui a fallu trois jours pour réfléchir à tout ça. Mais c'était à présent fait.
Elle passe la porte d'entrée, une petite valise à la main. Elle était venue chercher quelques affaires le lendemain matin de son départ, de sa fuite. Laissant un mot sur la table de la cuisine afin de s'expliquer. "J'ai besoin de m'éloigner un moment. Je reviens dans quelques jours, ne t'inquiètes pas" Et puis, elle n'avait pas redonné de nouvelles à Philip depuis. Et, elle espérait qu'il comprenait. Chéri ? dit-elle après avoir refermé derrière elle. Pas de réponse. Peut-être est-il encore au travail, c'est possible. Elle commence à faire le tour de la maison : la cuisine, le salon, la chambre, le bureau. Elle ouvre la porte, et le voit. Chéri, je suis rentrée. dit-elle alors en s'avançant doucement. Toujours sa valise à la main.

Chéri, je suis rentrée.
La voix de Lizzie, et puis elle apparaît dans l'encadrement de la porte. Philip est au téléphone, son ordinateur et des tas de dossiers et papiers en tout genre étalés devant lui, il jette un regard vers la brune qui vient d'apparaître sous ses yeux et reporte son attention sur une feuille.
" Je dois raccrocher, je vous rappelle demain, " dit-il avant de mettre fin à l'appel sans laisser le temps à son interlocuteur de réagir.
" Salut, " il ajoute à l'attention de son épouse, ce n'est ni très froid ni vraiment chaleureux. Il s'attendait à repasser la soirée tout seul, il commençait à croire qu'elle ne reviendrait peut-être pas, mais elle est là et ça ne le soulage pas vraiment. Il lui en veut terriblement et il lui en a voulu chaque jour un peu plus pour son absence et la façon dont elle a décidé de gérer la situation : en mentant, en l'évitant, en l'ignorant, en s'exilant hors de chez eux pendant plusieurs jours. Philip ne sait pas exactement ce qu'elle espère de lui à ce moment précis. Il sait qu'elle n'est pas allée à son rendez-vous médical ce matin, parce que lui, il y est allé, et de ne pas la voir aurait du le réjouir, mais ce n'est pas le cas, parce qu'il continue à lui en vouloir.
Étonnamment, il a troqué son habituel costume pour une tenue plus décontractée et il arbore le logo de UCLA sur un ancien t-shirt retrouvé dans sa garde-robe. Il a l'air un peu fatigué, et il n'a pas beaucoup dormi ces derniers jours, enfermé dans son bureau à travailler en attendant que Liz finisse par rentrer. Et maintenant qu'elle est là... Il pince les lèvres et se lève " Plus besoin de t'éloigner, ça y est ? " lance-t-il sur un ton plutôt mauvais, peu décidé à faire d'efforts.

Elle se doutait que Philip n'allait pas à l'accueillir à bras ouverts. Mais à ce point, elle ne l'avait pas imaginé. Elle baisse le regard à sa remarque. Comme une enfant qu'on viendrait réprimander. Elle se mord la lèvre inférieure. Se demande presque ce qui l'a poussé à rentrer. Mais, Lizzie essaye de ne pas s'énerver. Elle mérite sa sanction. Après tout, quelle femme abandonnerait son mari trois jours après une telle tempête sentimentale ?
J'ai.. Je ne suis pas allée au rendez-vous, ce matin. Elle ne répond pas à sa question. A quoi bon, elle était rhétorique. Si elle est là, devant lui, c'est bel et bien parce qu'elle a besoin d'être avec Phil. Et qu'en effet, elle n'a plus besoin de s'éloigner. Elle laisse sa valise à l'entrée de la pièce. Tu as retrouvé ton sweater ? dit-elle en désignant le pull que porte son époux. J'ai l'impression de retourner quelques années en arrière. ajoute-t-elle alors. Comme pour détendre l'atmosphère, elle essaye de changer de sujet. Ou tout du moins, d'éviter de parler de choses qui fâchent. Et si Philip lui en veut au point de ne plus vouloir de cet enfant ? Ou même de divorcer. Impossible. Il aurait changé les serrures, non ? Encore une fois, les réflexions de Lizzie partent dans tous les sens. Mais, elle se contente de respirer lentement afin de reprendre ses esprits.

Elle n'est pas allée au rendez-vous ce matin, elle lui dit ça comme si ça peut tout résoudre, comme si c'est la solution à leur problème, mais à l'heure qu'il est le problème n'est pas qu'elle soit enceinte. Philip s'est rendu à l'hôpital ce matin, dans un dernier souffle de bon sens, dans un dernier effort pour la retrouver depuis qu'elle a décidé de quitter leur maison parce qu'elle avait besoin de s'éloigner. La voila revenu comme une fleur. Philip la toise, il croise les bras, et elle change de sujet, elle commente son vieux pull, elle croit probablement pouvoir l'amadouer comme ça, et ça aurait pu marcher en temps normal parce qu'il aurait décidé de prendre sur lui pour passer à autre chose. Mais pas maintenant.
"J'étais à la clinique ce matin, je t'attendais, je pensais que tu finirais par te montrer. Mais non. J'étais plus à ça près, tu me diras, vue que j'ai passé ces trois derniers jours à t'attendre... " dit-il avant de soupirer et de se frotter le front, puis les yeux. En trois jours, il aurait pu trouver ce qu'il avait envie de lui dire, mais ce n'est pas le cas, il ne sait pas par où commencer et en réalité il n'est pas sûr d'avoir très envie de lui parler tout de suite.
" Je devrais sûrement être content que tu sois pas allée à ton rendez-vous ce matin, et je le suis, mais... J'sais pas, t'as l'intention de t'excuser ? Parce que depuis trois jours tu te comportes comme la plus grosse des égoïstes. Ce serait le minimum, " ce ne serait pas suffisant, mais ce serait le minimum. Il veut l'entendre dire qu'elle a mal agit et qu'elle n'aurait pas du faire ce qu'elle l'a fait. Il veut qu'elle lui dise qu'elle regrette et qu'elle mette sa fierté de côté comme lui a pu mettre la sienne.